Lucie Pagé: Une grande journaliste québécoise Print
Written by Patricia Turnier   
Tuesday, 31 August 2010 16:38

Lucie Pagé est reconnue notamment au Québec et en Afrique du Sud pour ses écrits. Elle est née en Nouvelle-Écosse le 29 novembre 1961. Romancière, journaliste, réalisatrice, recherhiste, documentariste, Lucie Pagé a obtenu un baccalauréat en journalisme à l'Université du Québec à Montréal (UQÀM).  Par la suite, elle s'est installée pendant un an en Asie où elle a réalisé un reportage sur le Népal. Plus tard, elle a travaillé durant plusieurs années en tant que journaliste et recherchiste pour divers programmes de Radio-Canada (Contrechamp, Le Magazine économique), autant à la radio qu'à la télévision. Madame Pagé a apparu à diverses émissions. Par exemple, on l’a vue au Québec dans le très populaire programme Tout le monde en parle à Radio-Canada. Elle a également œuvré à Télé-Québec où elle a réalisé plusieurs films et documentaires aux émissions L’indice, Visa Santé et Nord-Sud. Puis en 1990, elle est devenue correspondante en Afrique du Sud pour Radio-Canada au cœur du régime d’apartheid. Elle y restera jusqu’en 1999 pour ensuite faire le va-et-vient entre le Québec et l’Afrique du Sud.  Durant les dernières années, en tant que réalisatrice, madame Pagé a produit plusieurs documentaires particulièrement sur la violence faite aux femmes et sur les chants de libération d’Afrique du Sud. En tant que correspondante pour Radio-Canada et en empruntant un ton intime, madame Pagé nous a livré pendant les deux dernières décennies son expérience et nous a fait voir la vie africaine quotidienne: autant les beautés que les malheurs. Les livres de cette romancière s’adressent autant à ceux qui se ferment leurs yeux sur toutes les formes d’intolérance qu’aux citoyens du monde. Cette journaliste a été un témoin privilégié de l’émancipation des Noirs sud-africains. Ses ouvrages traitent des conditions qui ont mené à la fin de l'apartheid,  de la force et de la volonté d'un peuple. Il s’agit d’une très grande période historique et d’une page importante de l’histoire qui fut tournée. La conviction mais aussi l'humilité et la sagesse de Mandela ont permis à ce dernier, malgré tous les obstacles dressés devant lui, de croire en une cause juste. Lucie Pagé a vécu de près la libération de Nelson Mandela, son accession à la présidence jusqu'à son départ de la vie publique.  A cet égard, ses ouvrages nous permettent de mieux saisir les réalités de l’Afrique du Sud de l’intérieur. Les thèmes abordés dans ses livres sont multiples:  le déchirement et la culpabilité d’une mère se séparant de son enfant, les liens interraciaux, le choc des cultures, la situation sociopolitique durant le régime apartheid et post-apartheid, la misogynie, les difficultés au niveau de la conciliation travail-famille, les iniquités sociales, les conditions de travail des pigistes, etc.

Devenue une figure connue au Québec, madame Pagé a publié régulièrement dans le quotidien La Presse et le magazine L'actualité.  Il importe de noter que cette journaliste est ouverte sur le monde.  Trilingue, madame Pagé parle anglais, français et espagnol.   Les ouvrages édifiants de cette dame sont des best-sellers et sont diffusés dans plusieurs pays. Par exemple, Mon Afrique s’est très bien vendu  au Québec et a été traduit en anglais sous le nom de Conflict of The Heart. Il importe de noter que Mon Afrique a fait l’objet d’un documentaire sur la chaîne TV5.  En 2005, après deux ans de rédaction, madame Pagé a mis sur le marché Eva, un roman sur la vie d'un couple, elle blanche et lui noir.  Ce roman d’amour sur fond d’apartheid s’est vendu à plus de 20 000 exemplaires au Québec.  En 2006, madame Pagé a publié Notre Afrique, un livre sur la place de l'Afrique dans le monde contemporain, sur l'état de la situation en Afrique du Sud après 10 ans de démocratie et sur le mariage mixte.

Lucie Pagé a écrit près de mille reportages/documentaires/articles/conférences portant notamment sur son pays d’adoption, l’Afrique du Sud.  La romancière a été Présidente d’honneur du Salon du livre de l’Outaouais en 2004.  Elle a remporté le Concours de journalisme de Montréal (1985) et deux nominations aux Prix Gémeaux (2000) (par exemple, pour La route des chants de libération d’Afrique du Sud).  Son travail a été souligné par une mention spéciale au Festival Vues d’Afrique 1991 pour son documentaire sur la santé en Afrique du Sud ainsi que par le Festival des films de l’Afrique australe 1993 pour son documentaire sur la violence faite aux femmes, When Love Hurts.  En 2004, on lui a décerné la médaille d’argent (catégorie Santé) et une mention d’honneur (catégorie Société) du Prix du magazine canadien pour son article sur le Phelophepa.  A cet égard, au courant de sa carrière madame Pagé a fait découvrir les Sud-Africains comme un peuple d'inventeurs - 80 brevets accordés chaque mois, dont 12 sur le marché international.  Parmi les innovations rapportées du Phelophepa, on retrouve le "train de vie" qui parcourt 36 villages d'Afrique du Sud pour offrir ses services médicaux. "Ça, c'est une histoire de succès: ils ont touché plus d'un million de personnes qui autrement n'auraient pas ces soins"dit-elle.

Sur le plan personnel, madame Pagé a épousé à trois reprises Jay Naidoo sur trois continents (plus précisément en Asie : Inde, en Afrique :  Afrique du Sud et en Amérique :  Québec).  Monsieur Naidoo était entre autres activiste pour combattre le régime de l’Apartheid, syndicaliste, ministre des Télécommunications sous le gouvernement de Nelson Mandela.  En 2007, il a été aussi nommé en France Chevalier de la Légion d'Honneur.

En résumé, madame Pagé exerce sa profession de journaliste et de romancière avec passion et rigueur. Lucie Pagé est une femme qui bannit la langue de bois et qui brise les tabous.  L’Afrique est l’un de ses chevaux de bataille à savoir elle en fait campagne afin de redorer le blason de ce continent mal-aimé qu'elle juge victime d'un "apartheid mondial".  Les œuvres de Lucie Pagé sont captivantes et sont empreintes d’une sagacité.  Ses autobiographies se lisent comme un roman ce qui fait la marque de madame Pagé.  Ses ouvrages devraient être traduits en plusieurs langues  En guise de conclusion, nous attendons avec impatience les prochaines contributions de cette romancière.  

Les œuvres de Lucie Pagé :

Afrique (Mon) , 2001, réédité en 2004 et 2009.  Cet ouvrage a été aussi publié en Afrique en 2004 sous le nom de Une femme au cœur de l’apartheid

Eva , 2005

Afrique (Notre) , 2006

Les ouvrages de Lucie Pagé sont disponibles sur www.amazon.ca ou .fr

Quelques documentaires de madame Pagé:

- La route des chants de la libération (qui a reçu une nomination aux Prix Gémeaux en 2000)

- Every 83 seconds… (réalisé en 1992)

- When Love Hurts (qui a reçu une mention spéciale au Festival des films de l’Afrique australe en 1993)

- Voyage sonore à Robben Island (réalisé en 1997)

Quelques citations fameuses de Lucie Pagé:

"le racisme ne doit pas être toléré, mais combattu concrètement"

"Le racisme s'enseigne, s'apprend, se transmet. On ne naît pas raciste. On le devient. Et c'est la raison pour laquelle il peut être éradiqué, peu importe où il plante ses racines"

"À mesure que ça se branche, les enfants peuvent avoir accès à des bibliothèques, à de l'information. La technologie est un élément clé de l'accès au savoir et donc de l'accès au pouvoir.  Et il faut que ça rejoigne la femme qui accouche, qui porte l'eau, qui porte les bébés, les familles... Il faut éduquer la femme", affirme Lucie, qui cite un proverbe africain pour illustrer son propos: "Lorsque vous éduquez un homme, vous éduquez un individu, mais lorsque vous éduquez une femme, vous éduquez une famille, une nation."

"L’Occident s’acharne avec arrogance à décrire le continent africain très négativement. Il faut rendre justice à ce qui se passe vraiment en Afrique"

 

Un extrait percutant de Mon Afrique (p.  220):

“Mandela devant s’envoler pour Oslo dans la soirée du 6, il viendra dîner avec nous, de midi à quatorze heures.  Enfin, je peux planifier le repas…  Je commande un gâteau aux couleurs du Québec et de l’ANC, bleu et blanc d’un côté, jaune, noir et vert de l’autre.  Ma mère, évidemment, ne se doute de rien.

Le matin du grand jour, Loulou [l'employée de maison] fait la grasse matinée, restant au lit à lire.  Je vais lui dire qu’elle devrait se lever et se préparer.

-Me préparer pourquoi?

-Nous avons une surprise pour toi.  Nous te donnons ton cadeau de fête aujourd’hui au lieu de demain.

-Quelle est la surprise?

-Un repas privé avec Nelson Mandela.

-Qu’est-ce que tu racontes?

-Je te dis que tu vas dîner avec Mandela, alors lève-toi et grouille-toi!  Il sera ici dans trois heures!

Loulou me regarde complètement incrédule, comme si je la menais en bateau.  Elle se sent presque insultée, car on ne blague pas avec une telle chose.

-Arrête-moi ça!

-Non, je te dis, il vient dîner!

-Ici?

-Oui, oui, ici.

-Arrête-moi ça!  Tu n’es pas drôle du tout!

Pendant quinze minutes-du temps précieux quand il y a tout à organiser-, Loulou et moi nous nous engueulons presque.  Elle ne veut absolument pas me croire.  Elle pense que je veux faire la drôle.  J’ai toujours été la drôle de la famille.  Maintenant, ça joue contre moi.  Alors je lui dis que je dois commencer à préparer la maison et que si elle veut vraiment recevoir Mandela en chemise de nuit, l’air fripé, libre à elle.  Et je quitte la chambre.

Elle vient me voir

-Mais tu es sérieuse!

-Pourquoi penses-tu que je suis allée chercher la caméra vidéo à l’Institut hier?  (Il s’agit d’une caméra qu’emploient les professionnels et avec laquelle nous enseignons le journalisme).  Il arrive à midi, alors GROUILLE-TOI!

C’est la panique.  Elle réalise enfin que je ne blague pas”.