Entrevue exclusive avec l'une des artistes les plus brillantes de l'industrie de la musique: Senaya Print
Written by Patricia Turnier   
Tuesday, 05 July 2011 00:35
 

Photo :  Guillaume Simoneau

 
La jeune et rayonnante Senaya est née sous le soleil du Sénégal plus précisément à la capitale Dakar.  Très fière de ses origines, elle se considère à la fois sénégalaise et guadeloupéenne.  En effet, son père est un homme d’affaires sénégalais et sa mère est d’origine  guadeloupéenne.   Cette dernière œuvrant dans le domaine médical possède une très belle voix.  En sus, les parents de Senaya sont de grands mélomanes.  L’artiste, mère d’une fillette, a vécu dans plusieurs pays:  Guadeloupe, France, Venezuela, Porto Rico et depuis 1996 elle demeure à Montréal.  Tous ses voyages lui ont permis de développer une grande capacité d’adaptation et de se doter d’un riche vécu.  Senaya est empreinte d’un immense héritage culturel.  Ainsi,  l’artiste porte en elle des racines « afro-antillaises » et aussi des origines indiennes qu’elle hérite de sa grand-mère.  Senaya est une amoureuse de la diversité culturelle et elle ne peut faire autrement que de posséder une grande ouverture sur le monde.  Senaya porte plusieurs chapeaux.  Elle est autrice-compositrice-interprète et autodidacte.  Ses chansons s’inspirent de la mosaïque culturelle dont elle a su s’imprégner.  Senaya peut chanter de la salsa, du zouk, du blues, de la soul acoustique, du jazz antillais, R&B, etc.  Cette artiste est devenue la première noire au Québec à avoir remporté le prix de l’interprète de l’année à la 35e édition du Festival International de la Chanson de Granby  (le plus grand festival francophone au Canada  et en Amérique) en 2003.  Senaya a collaboré avec Steven Tracey, ancien producteur de Corneille.  Ainsi, Steven Tracey est le producteur exécutif du premier album de Senaya:  «Garde la tête haute».   Ce CD (comportant 13 chansons) fut lancé le 23 août 2005 via la prestigieuse compagnie québécoise de disques Audiogram.  Il a été réalisé en collaboration avec Sonny Black et Wesley Louissaint.  Le premier succès fut « Garde la tête haute ».  Les textes sont profonds et touchants.  L’artiste nous livre un message d’espoir.  Elle se démarque par son charisme et par la qualité de ses écrits.
Le 26 juin 2008, elle a interprété une chanson en l’honneur du défunt Aimé CésaireSenaya est l’une des jeunes artistes les plus brillantes et les plus articulées.  Cette chanteuse détient un talent divin, elle est douée pour les langues.  Elle est polyglotte à savoir qu’elle parle sept langues :  créole, wolof, espagnol, italien, français, anglais et allemand.  Elle irradie une ouverture d’esprit empreinte d’une universalité lui permettant de toucher un très large public.  Senaya, citoyenne du monde et ambassadrice sans frontière, est très généreuse durant ses spectacles.  Elle chante avec son cœur et elle possède tous les atouts pour mener une grande et durable carrière internationale.  Nous avons rencontré Senaya à Montréal où elle nous a fredonné quelques chansons de son album durant notre entretien.  Cette entrevue a été publiée en automne 2008 au Canada, en Europe et en Afrique.  Récemment, la version anglaise a été diffusée aux États-Unis.   
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P. T. À quel âge avez-vous développé une passion pour la musique et quand avez-vous décidé d’en faire une carrière?

S.  Je ne pourrais dire à quel âge exactement j’ai développé cette passion mais je suis en mesure de mentionner que la musique a toujours fait partie de mon environnement et de ma vie.  Cela s’est fait à travers mes parents et notamment ma grande sœur.  Ils m’ont chanté tellement de tubes.  Ma mère fredonnait souvent à la maison.  Mon père joue la guitare.  Il n’en a pas fait une profession mais pour le plaisir il utilisait cet instrument.  Je voyais mes parents danser dans le salon sur les airs de Miriam Makeba et de la musique de l’époque.  En ce qui me concerne plus spécifiquement, je ne me suis pas décidée à un âge précis que j’allais devenir chanteuse.  Par contre, j’ai commencé à écrire dès l’âge de 8 ans des chansons, des poèmes portant sur différents thèmes :  la vie, l’amour, etc.
 
Lorsque j’ai débuté mes études à l’Université Schœlcher en Martinique, j’ai commencé à écrire des chansons de façon plus professionnelle avec des amis étudiants.  J’ai fait partie d’un petit groupe à l’époque où l’on chantait.  Les gens ont commencé à me dire que je chantais bien.  J’ai fait cela surtout en tant qu’amatrice bien que j’aie gagné un petit concours en 1980.  J’ai pris mon métier plus au sérieux en 1996 lorsque je suis arrivée à Montréal.  J’ai commencé à acquérir davantage une expérience musicale et de scène.  On cherchait une choriste pour un artiste vivant ici.  Les choses ont débuté ainsi pour moi.  Dans ce cadre, j’ai fait la connaissance de musiciens, de chanteurs, etc.  J’ai eu des problèmes avec la maison de disques à ce moment.  J’effectuais des spectacles mais rien de plus se concrétisait.  Cette situation nous a menés à créer en 1997 un groupe intitulé Sun Roots composé des musiciens que j’avais rencontrés.  Ceci m’a permis d’évoluer et de cheminer professionnellement en perfectionnant notamment mes techniques vocales et mes connaissances musicales.  Je suis une autodidacte à savoir que je n’ai jamais fréquenté une institution spécialisée pour apprendre la musique.  J’ai plutôt acquis une expérience de scène, c’est-à-dire pratique.  J’aime cette expérience et je la respecte beaucoup. C’est à partir de l’an 2000 que j’ai vraiment commencé à en faire une carrière.
 
À l’époque, je faisais de l’interprétation et j’ai débuté la composition également plus précisément au niveau de l’écriture de textes.  On chantait en créole, en douala, en français, en espagnol.  C’était vraiment diversifié surtout en raison du fait qu’il y avait trois Camerounais dans notre groupe.  On a fait autant de prestations au Québec et ailleurs au Canada.  Ceci m’a permis de devenir plus forte au niveau scénique.   J’ai appris à parfaire ma présence vocale, etc.
 
P.T.  Est-ce que cela vous arrivait d’enregistrer vos prestations afin d’effectuer après une auto-analyse en vous observant?

S.  Oui, tout à fait.  Nous avons des VHS et DVD de tous nos spectacles et c’est de cette façon que nous évoluons en observant notre non verbal qui communique beaucoup de choses.  C’est quelque chose la scène, il s’agit de se lancer dans le vide.
 
P.T.  Il s’agit de se mettre à nu.
 
S.  En effet.  J’ai appris à faire cela.  Nous avions chacun des expériences très différentes.  Certains étaient plus chevronnés que d’autres.  Parfois, ce genre de situation peut créer des disparités et des conflits.  Malgré tout, ce fut une très belle expérience qui m’a permis de faire de nombreuses prestations dans le cadre de festivals, etc.  Cela m’a appris à mieux me connaître, à grandir spirituellement, à m’extérioriser ce qui m’a donné l’occasion de partager tout cela avec le public.  A partir des années 2000, j’ai décidé de quitter le groupe pour diverses raisons.  On éprouvait de la difficulté à trouver une directive, à prendre ensemble une décision, etc.    Vous savez des fois, il faut savoir partir.  Lorsque j’ai quitté le groupe, j’ai donc cherché à trouver ma voie.  En 2001, j’ai effectué des spectacles.  J’ai exploré quel style de musique je voulais faire.  Je souhaitais également découvrir qui j’étais musicalement.  On me proposait des choses mais je ne me retrouvais pas là-dedans.  Je devais me présenter au festival de Granby en 2001, finalement je ne l’ai pas fait à l’époque ce qui a été une sage décision.  Je n’étais pas encore prête et je crois que si je m’étais présentée en 2001 je ne pense pas que ce qui s’est passé en 2003 aurait eu lieu (rires).  L’année 2003 a été très spéciale.  J’ai rencontré un guitariste, Wesley Louissaint, d’origine haïtienne.  Il venait d’arriver au Canada.  Je l’ai hébergé.  Nous avons trouvé intéressant de mettre en commun nos habiletés artistiques en jammant ensemble.  De plus en plus, les choses se consolidaient de mon côté.  J’ai eu l’opportunité de faire des spectacles acoustiques ce que j’ai trouvé très intéressant.  Une femme dans le milieu m’a proposé de participer à des soirées réservées aux auteurs-compositeurs les dimanches à l’Escogriffe sur la rue St-Denis .  Vous savez l’acoustique était vraiment nouveau pour moi.  Habituellement, j’avais toujours mon band.    A l’Escogriffe, j’emmenais tout simplement une guitare, une percussion.  J’ai découvert au fait ce nouvel univers.  Cela a été une belle opportunité pour moi et j’ai demandé à Wesley d’embarquer avec moi.  Ainsi, on a commencé à composer des chansons ensemble qu’on a présentées les dimanches.  Le public a très bien répondu à cela.  Ce fut un succès.  On avait les tubes Soul Creole, Umjala, Mwen Té La , Il faut pas avec l’arrangement de l’époque.  J’ai commencé ainsi à avoir la piqûre de l’acoustique.

P.T.  Quels sont les artistes qui vous ont inspirée au cours de votre vie?
 
S.  Wow!  Ils sont si nombreux et très diversifiés.  Cela va de Miriam Makeba, Whitney Houston, Stevie Wonder (un génie pour moi), Celia Cruz, etc.  J’ai un goût éclectique et diversifié au niveau musical.  J’aime la musique du monde, etc.  Au fait, tout m’inspire, j’ai une grande curiosité artistique.   J’adore aller vers les autres cultures et les découvrir.   J’ai toujours vécu comme cela vous savez.  Je n’ai jamais mené ma vie avec des barrières.  J’aime la musique de différentes époques.  Cela peut remonter jusqu’aux années 50 avec du Billie Holiday, Louis Armstrong, Miles Davis, etc.  Leur musique et leur histoire également m’ont inspirée.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

P.T. On vous compare souvent à Corneille en vous nommant la Corneille au féminin.  Quelle est votre position par rapport à cela?
 
S.  Je trouve cela normal.  Lorsque l’on est une nouvelle artiste, on essaie de trouver des références.  Je pense que je suis moi tout simplement.  C’est certain qu’il existe des similitudes au niveau du travail.  Je fais référence à tout ce qui concerne le travail qui s’est effectué autour de la soul francophone et de l’œuvre.  Steven Tracey a été le producteur de Corneille. Sonny Black était l’un des co-réalisateurs de Corneille par conséquent, automatiquement on fait des associations puisqu’une partie importante de l’équipe présente pour cet artiste s’est retrouvée dans mon album.
  
Je n’ai rien contre le fait qu’on utilise des références mais pas au point qu’on m’appelle Corneille au féminin.  Je n’aime pas trop car cela peut laisser l’impression que je n’ai pas ma propre personnalité ce qui n’est pas du tout le cas.  Des gens interprète cela comme si je n’aimais pas Corneille.  Ceci est tout à fait faux.  Je suis sa première fan.  Au fait, je n’ai pas cette prétention (rires) je suis plutôt l’une de ses premières fans.  J’aime beaucoup son premier album et ce qu’il a représenté.  Je lui lève mon chapeau.   Ce n’est pas évident de faire groover les gens avec de la soul francophone.  Le beat en d’autres mots la rythmique en anglais est beaucoup plus facile à manier.  Chapeau pour avoir pu utiliser la langue française en la faisant groover!  Respect!  Il faut savoir respecter nos pairs.  Tant mieux, si Corneille a pu accéder à l’une des parties de ses rêves.  Cela ne retire rien à personne d’admirer le succès de l’autre et de le respecter.  Il y a des gens qui croient que cela leur enlève quelque chose mais pas du tout.  Chapeau Corneille!
 
P.T.  Vous avez déjà mentionné dans le passé que vous vous sentiez obligée de choisir entre vos origines guadeloupéenne et sénégalaise.  Comment avez-vous appris à composer avec cela et parlez-nous de l’influence de ce mélange culturel dans vos chansons?

S. Lorsque nous sommes jeunes, les gens tentent de nous cloisonner.  On a toujours voulu que je choisisse quelle que soit l’origine de la personne en question.  J’ai vraiment trouvé cela blessant et irritant.  Certains m’accusaient même de mentir parce que la réponse que je leur donnais n’était pas satisfaisante pour eux.  Ces gens se permettaient de me juger, de me disséquer et de décider qui je suis pour me mettre dans une boîte fermée en m’étiquetant.  Choisir une identité revient à rejeter ou à renier l’autre qui fait partie de moi.  Dans mon cœur, je me considère autant sénégalaise que guadeloupéenne.  On pourrait parler longuement sur la signification de l’identité sénégalaise et guadeloupéenne.

P.T.  Dans chaque culture, il existe des « sous-cultures ».

S. Oui, exactement.  Par exemple, on ne peut pas dire que tous les Sénégalais ou les Bangladais sont pareils.  Je suis désolée mais les choses ne sont pas aussi simplistes.  En passant, j’ai rencontré aussi des gens qui me disaient si tu ne chantes pas en wolof, tu n’es pas sénégalaise.  D’autres me disaient si tu ne chantes pas en créole tu n’es pas guadeloupéenne.  Je suis désolée.  Même si je chante en français, je représente la Guadeloupe avec toute mon âme.  Dans mon album « Garde la tête haute », je chante en créole.  Et lorsque je le fais, je pense à ma mère.  Pour moi, la Guadeloupe est attachée à ma mère et elle représente aussi mes souvenirs d’enfance.  Cela a influencé ma musique ainsi que le Sénégal et l’Afrique même si je ne chante pas en wolof dans l’album.  Il faut savoir cerner la subtilité dans tout cela.  Le vocable créole représente le métissage, le mélange de cultures ce qui fait partie de moi et qui est transposé dans mes chansons.

P.T.  En quoi vos multiples voyages et les autres langues que vous maîtrisez ont eu un impact sur votre musique?

S.  Cela m’a apporté une ouverture d’esprit.  Les langues représentent quelque chose de très naturel pour moi.  Dès ma tendre petite enfance, j’ai commencé à voyager.  Dans ma propre famille, on retrouve un métissage.  Ma grand-mère vient de l’Inde.    Pour moi, le mélange de cultures est tout à fait normal et je n’ai jamais eu à réfléchir là-dessus.  Cela s’est reflété naturellement dans ma musique.  J’ai dû m’arrêter et penser à tout cela pour mon premier album afin d’expliquer mon cheminement.

P.T.  En 2003, vous avez été lauréate dans le cadre du festival de Granby.  Je sais que cet événement fut très important pour vous.  Voulez-vous nous en parler?

S. Ah! Granby a été merveilleux.  Avant de se présenter à cette ville, j’en avais parlé avec Wesley.  On a envoyé un démo.  Tout a commencé avec une présélection.  Je visais cela car c’était très important pour moi.  Je savais qu’il s’agissait du plus important concours francophone en Amérique.  On y retrouve les plus grands noms des chanteurs québécois tels que Isabelle Boulay et Lynda Lemay.  Je me suis dit c’est super d’être jugée par des pairs d’une telle prestance professionnelle qui peuvent nous donner un avis de qualité.  Je savais que d’autres professionnels du milieu seraient présents comme les diffuseurs Spectra , les gens du festival international de Jazz de Montréal , des Francopholies , etc.  C’était clair pour moi que participer à cet événement ne pourrait que représenter une expérience très enrichissante.  Je savais que j’allais en retirer quelque chose.  Je souhaitais obtenir un avis professionnel en ce qui a trait à mon travail artistique.  Autre chose que j’ai trouvé intéressant à travers cette expérience :  lorsqu’on est sélectionné pour ce concours, on nous désigne une famille dans laquelle on peut rester.  J’ai eu la chance de vivre dans une belle-famille.  Ainsi, au début nous avons présenté notre matériel devant trois juges faisant partie du métier (des auteurs-compositeurs, etc).  On a présenté Soul Creole, Umjala, ainsi qu’une chanson qui n’est pas sur l’album de 2005 intitulée « La misère », un tube que j’adore.  On a passé à travers d’autres étapes après.  Au quart de finale, je n’avais pas le droit d’amener mes musiciens.  Je me suis retrouvée dans la catégorie interprète au lieu d’auteur-compositeur-interprète (où Wesley aurait pu être inclus car j’avais écrit des chansons avec lui).  J’ai été la seule dans la catégorie interprète à présenter mes tubes.  Normalement dans ce classement, on présente les chansons des autres.  Je n’avais pas le droit d’amener mes musiciens, il fallait que je prenne ceux de Granby mais je me suis adaptée.  Les instrumentistes étaient très gentils.  Ma famille était avec moi pour me soutenir et m’encourager :  ma mère, ma sœur (de la France), etc.  Mon père était absent mais présent en pensées.  Finalement, on a décidé que j’étais la gagnante.  Je me suis dit WOW à ce moment.  Cela a été génial, j’étais très fière.  Je l’ai beaucoup apprécié.  Cela m’a permis de gagner 9000$.  J’ai donné 4000$ à Wesley.  Suite à cela, j’ai cherché à « auto-produire » mon album.

P.T.  Au printemps 2006, vous avez été mise en nomination aux prestigieux « Juno’s Awards »  dans la catégorie Album francophone de l’année.  Qu’est-ce que cela représente pour vous?
 
S. Ceci représente pour moi une énorme fierté.  Imaginez-vous que c’était la première année où les Juno’s changeaient leurs critères de sélection.   Le jury devait choisir l’album de qualité artistique de l’année dans la catégorie francophone et non selon les ventes.  On recherchait donc l’aspect qualitatif plutôt que quantitatif.  J’étais vraiment fière car je me suis dit la qualité artistique c’est encore mieux surtout lorsqu’on débute sa carrière dans ce domaine.  On était vraiment content de cette nomination.  Je me suis rendue aux Juno’s avec le producteur, ma sœur qui est ma gérante, Wesley et Sonny Black.  Les trois co-réalisateurs (dont je fais partie) étaient donc présents.  On y a été avec l’espoir de gagner mais en ce qui me concerne c’était déjà une victoire quelle que soit l’issue.  Pour l’occasion des Juno’s, nous avons donné une prestation dans un lounge et c’était merveilleux.  L’expérience était superbe et belle.
 
P.T.  Qu’est-ce que cela vous fait vivre de constater que vous êtes autant reconnue dans le milieu anglophone et francophone au Canada?
 
S. Cela me fait du bien et cela confirme ce que j’ai toujours dit (rires) la communication n’est pas une affaire de langue mais une affaire d’êtres humains tout simplement.  Comme je vous l’ai dit, je ne me mets pas des barrières.    Pour moi, c’est normal de passer de l’anglais au français ou vice versa.  Parler à un Portugais, un Italien, un Français ou quelle que soit la personne c’est totalement naturel pour moi.  De toute façon, la musique au départ représente une forme de communication dépourvue de frontières.  Les anglophones ou les allophones qui sont venus voir mes spectacles vibraient en écoutant ma musique qui leur parle même si je ne m’exprime pas dans leur langue à travers mes chansons.  Ils s’intéressent à ce que je dégage sur scène.  Il y a une spectatrice anglophone qui m’a déjà approchée après un concert pour me dire que je lui donnais envie d’apprendre le français après m’avoir écoutée.  Je ne suis pas là pour revendiquer des choses en matière de langue, je crois qu’il faut prendre les gens comme ils sont et non les brusquer.  Au fait, je ne revendique rien à part l’aspect humanitaire.  Que l’on soit hispanophone ou autres, la musique représente un langage universel qui interpelle tout le monde.  Le fait que je sois polyglotte m’aide à créer un contact avec le public lorsque je veux émettre un commentaire entre mes chansons par exemple.  Je ne commencerai pas par contre à expliquer une chanson.  Je ne l’ai pas fait d’ailleurs.  J’ai parcouru le Canada et des anglophones m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas les paroles de mes tubes mais cela ne les empêchaient pas d’aimer ma musique.  Mon énergie leur plaisait.  Pour moi, c’est cela le miracle de la vie à savoir que la communication ne passe pas par la langue.
 
P.T  C’est plus profond que les mots.
 
S.  Exactement.
 
P.T.  En portant attention à votre parcours, on voit que vous êtes une femme de tête dotée d’un grand stoïcisme.  Vous avez cherché à « auto-produire » votre album (ce que vous avez commencé à aborder au courant de cette entrevue) et à obtenir un droit de veto à plusieurs niveaux.  Qu’est-ce qui vous a amenée à faire ces choix?
 
S. Après mon expérience à Granby, j’ai voulu être indépendante en « auto-produisant » mon album  « Garde la tête haute » en 2005.  J’ai rencontré plus tard Sonny Black avec qui j’ai collaboré.  A l’époque, je me suis rendu compte avec le temps que c’était beaucoup de devoir s’occuper de la production (recherche de fonds au niveau de différentes instances, etc).
 
P.T.  Ces démarches enlèvent du temps au niveau artistique.
 
S. Tout à fait, vous comprenez l’enjeu.  Cela grugeait beaucoup de temps pour gérer tout cela.  J’ai continué tout de même à administrer certains aspects de la production tout en déléguant davantage.  Après cinq chansons, on m’a approchée et on m’a parlé du producteur de Corneille.  On m’a demandé si j’étais ouverte à travailler avec lui.  Il ne faut pas se leurrer, c’est certain que lorsqu’on nous parle de Corneille il s’agit d’une belle carte de visite.
 
P. T. Le producteur a fait ses preuves.
 
S.  Exactement.  On a donc fait connaissance et il m’a exposé ses conditions.  On a signé un contrat.  On a commencé à travailler à propos du titre de l’album et ainsi de suite.  Entre-temps, il a fait son travail de producteur en recherchant une licence au Québec.  Audiogram a décidé de se mettre de la partie.  De cette façon, Steven Tracey a signé une licence avec cette compagnie de disques et j’ai contracté avec la boîte de musique (Level Music) de mon producteur.  En France, il a signé un contrat de licence avec M6 Interactions.    Pour la Belgique, il a contracté avec EMI.  Steven Tracey était donc mon producteur exécutif et je demeurais auteur-compositeur de l’album.  J’ai voulu être co-réalisatrice du CD en collaborant avec Sonny et Wesley.  Cela a permis à chacun d’amener son propre univers.  Le partage de notre vision a donné naissance à l’album composé de 13 chansons.  Pour le deuxième CD (qui sortira en 2009) je me suis sentie prête pour devenir entièrement productrice.

P.T.  Votre plus grand tube qui a remporté du succès a été « Garde la tête haute » considéré comme un hymne social.  Les paroles de cette chanson sont réellement inspirantes.  Pouvez-vous partager avec nous les commentaires les plus touchants que vous avez reçus de votre public concernant cet opus?
 
S. Mon Dieu.  Il est vrai que cette chanson est comme un hymne.  J’ai trouvé touchant que les gens de nationalités diverses (des Sénégalais, des Français, des Québécois, etc) se sont sentis interpellés par ce tube.  On m’a dit que c’était vivant, joyeux et que cela leur donnait espoir.  Des personnes m’ont fait savoir qu’ils avaient l’impression avec cette chanson que je leur parlais personnellement.  Il s’agit d’un commentaire qui est revenu souvent.  On m’a dit, j’ai l’impression que tu parles de ma vie.  Ce sont des gens de tous les âges (de 4 ans à 70 ans) et de tous les milieux sociaux qui m’ont rapporté cela.
 
P.T.  Vous rejoignez beaucoup de personnes.
 
S. Oui, j’imagine.  Les tubes qui semblent le plus avoir touché les gens sont « Garde la tête haute » et « Soul créole ».  « Garde la tête haute » est effectivement devenu un hymne notamment à la radio Africa no 1 en France.  Cette chanson était en première position pendant quatre mois.  J’ai d’ailleurs accordé une entrevue à l’un des grands animateurs d’Africa no 1 Robert Brazza.  Cela s’est fait en direct d’ici dans le cadre du festival Vues d’Afrique.   Toujours concernant le tube « Garde la tête haute » les fans m’ont rapporté que cette chanson les aide à persévérer dans la vie.  Des gens dans la rue que je ne connais pas nécessairement m’abordent et me disent « on garde la tête haute ».  Cela me fait rigoler (rires) et me touche.
 
P.T Pour eux, c’est un message d’espoir et de fierté.  Cela leur permet de dire on est bien avec soi-même.

S.  Tout à fait.  On garde la tête haute en dépit de nos tribulations.  Le fait de surmonter des épreuves ou d’avoir essayé dans la vie c’est déjà important.  Pour cela on peut garder la tête haute.  Ce qui s’est passé avant dans une vie ne déterminera pas nécessairement ce qui arrivera plus tard.  Il n’est jamais trop tard.
 
P.T.  On ressent votre spiritualité dans vos textes.  Pouvez-vous nous parler du message que vous livrez dans votre chanson « On s’en fout »?
 
S. C’est certain qu’il y a de la spiritualité.  Je ne fais rien sans Dieu.  Je crois en Dieu.  Je pense que le philosophe Pascal disait cela ne coûte rien de croire en Dieu.  C’est gratuit au fait.  Je crois en Dieu et chaque peuple lui donne le nom qu’il veut.  Je suis spirituelle.  C’est important pour moi, on fait partie d’un univers.  Le tube « On s’en fout » reflète un thème important en ce qui me concerne.  Tout le monde parle bien et dit ce qui doit être fait.  Mais, peu de personnes font ce qu’elles prêchent.  Je parle des individus qui prennent des décisions parce qu’à mon avis les gens du peuple font ce qu’ils peuvent avec les moyens mis à leurs dispositions.  « On s’en fout » décrit l’indifférence des individus, la misère humaine.  Il y des gens qui ne se sentent pas concernés.  Nous avons de la difficulté à saisir que Dieu nous a donné une planète et que tout ce qui s’y passe nous touche automatiquement.  Nous sommes tous liés.  On ne peut pas dire par exemple que le Canada ou un autre pays est à part car il fait partie d’un tout.  On ne peut donc se permettre d’être indifférent et dire que tel phénomène se passe en Thaïlande et on n’est pas concerné.  Pourquoi cela ne te concerne pas?  Cela te concerne.  Nous sommes responsables de cette planète.
 
P.  T.  Martin Luther King disait :  l’injustice n’importe où est une menace pour la justice partout .
 
S.  Exactement.  Il y a beaucoup de gens qui fuient leurs responsabilités ou devoirs.  Parmi mes fans, il y en a qui m’en ont parlé.  Certains m’ont dit tes tubes sont bien mais les chansons qui parlent de misère on n’aime pas trop cela.   Pourtant, je me suis beaucoup retenue au niveau de l’écriture.  J’aurais pu en dire bien davantage.  Il faut comprendre que je ne cherche pas à être moralisatrice.  Mais, je crois qu’il est important tout de même de s’exprimer en tant que témoin.  J’ai des yeux, des oreilles et une sensibilité.  Je ne m’exclus pas dans tout cela, mon but n’est pas de porter un jugement sur les autres.  Je parle en nous dans mes chansons.  Lorsque quelqu’un me dit la misère, je ne veux pas la voir je ne comprends vraiment pas.  Faut-il se voiler le visage?  Cela m’embête quand les gens éteignent la télévision et ont l’illusion que la misère n’est plus présente.  On est un tout et c’est trop facile de séparer les choses.
 
P.T.  Le fait de reconnaître qu’il existe un problème implique une responsabilité.  Pour cette raison, certains préfèrent prétendre ne rien voir.
 
S.  Tout à fait.  J’ajouterais que certaines gens aiment bien parer les choses.  Je ne fais pas de poésie ni de fioriture avec la misère.  Je n’ai pas le temps pour cela et je ne saisis pas pourquoi il faudrait diluer les choses.   Au fait, je trouve  que ce serait de l’irrespect.  Faut-il orner d’images la misère pour que cela paraisse beau dans l’oreille de certaines personnes? Le paupérisme n’est pas beau, je suis désolée.  Il existe et pour moi, il importe d’en parler.  Cela peut paraître cru pour certains mais en ce qui me concerne la gravité est le fait d’ignorer cette situation.
 
P.T.  Votre album se démarque par la saveur créole qu’on y trouve.  D’ailleurs, vous écrivez le créole guadeloupéen.  Parlez-nous de votre tube « Mwen Té La » et de l’accueil du public pour cette chanson.
 
S.  Mwen Té la est effectivement le tube des créolophones.  Cette chanson a été traitée de façon différente.  Je fais référence à l’aspect technique.  La voix est beaucoup plus présente.  Mwen Té la est une chanson d’amour.  Cette chanson antillaise,  on peut l’écouter au bord de la plage avec une mandoline.  Lorsque j’écris en créole quelque chose d’autre se développe.  Au fait pour chaque langue, quelque chose de nouveau  émane de moi.  Chaque langue possède sa propre rythmique et son univers.  Mwen Té la est également triste même s’il s’agit d’amour.  Le créole est la langue de ma mère et c’est elle que je vois lorsque je chante ce tube.  D’ailleurs, elle adore cette chanson tout en appréciant les autres du CD.  Mwen Té la a reçu également un très bel accueil du public.  Chacun y trouve son compte je crois.  J’ai des chansons qui sont plus rassembleuses que d’autres telles que « Garde la tête haute ».  Ce tube rejoint beaucoup de gens.  Soul créole est très personnel car cela parle de moi et malgré tout la chanson a interpellé de nombreuses personnes également.  « Mwen Té la » est aussi très apprécié par les « non-créolophones ».  J’ai traduit ce tube dans l’album en français pour que les gens puissent avoir accès aux paroles tout cela dans le but d’éliminer les barrières.
 
P.T.  On voit dans votre album un intérêt non négligeable à livrer un message d’espoir au public et un appel à une plus grande tolérance, à une conscience sociale plus soutenue afin de rendre le monde meilleur.  Vous défendez plusieurs valeurs dans vos tubes.  En quoi l’écriture engagée est importante pour vous?
 
S.  Elle est essentielle pour moi.  Au risque de me répéter, je me suis beaucoup retenue.  Peut-être que je n’aurais pas dû faire cela mais je ne regrette rien même en prenant du recul.  Il importait pour moi de ne pas être moralisatrice ou de donner l’impression que je pointe du doigt les autres en m’excluant.  J’ai bien étudié la question à savoir que je tenais à faire de la littérature directe.  Je ne souhaitais pas faire de la fioriture, je voulais que tout le monde puisse comprendre en utilisant un langage accessible.
 
P.T.  Il est important pour vous de ne pas être pédante.
 
S. Oui, tout à fait.  Je veux que les gens puissent saisir mon message.  Il importe pour moi qu’un enfant de quatre ans soit en mesure de chanter mes tubes.  Pour moi,
les choses commencent en bas âge.  Je veux donner de quoi nourrir la nouvelle génération.  D’ailleurs, durant mes spectacles de nombreux enfants sont présents.
 
P. T.  Cela est très révélateur et démontre que les paroles sont saines pour eux.

S. C’est effectivement ce que je vise.  Cela me rend fière de voir que mon lyrisme leur parle.  Les valeurs de joie, d’espoir que je mets dans mes chansons sont fondamentales pour moi.  Il ne faut pas oublier que j’ai une fille également et il importe pour moi de donner quelque chose à sa génération.  Cela fait partie de l’éducation.  Au fait, on peut éduquer de diverses façons.  La musique représente un médium très intéressant pour cela.  Il faut le faire en évitant d’être pédant ou moralisateur.  De cette façon, je me considère comme une artiste engagée et comme une activiste.  Je me perçois plus précisément comme un humaniste.  Le rapport humain est important pour moi et j’essaie de le rappeler aux gens qui m’entourent.  C’est ainsi que les barrières tombent.  Malheureusement, souvent ce n’est pas les valeurs humaines qui sont encouragées mais plutôt les valeurs matérielles, l’apparence, en bref tout ce qui est superficiel.  Il m’arrive de devenir abasourdie lorsque je constate l’absence de profondeur.  Encore une fois, je ne m’exclus pas.  Pour moi aussi, il est important de pouvoir me regarder dans un miroir.  Je me questionne en me demandant comment favoriser ces valeurs humaines.   Je le fais à travers mes chansons.  En ce qui me concerne, je ne peux pas constater des choses et demeurer silencieuse.  Le Darfour par exemple, on n’en parle plus et c’est alarmant.  Il y a encore des gens qui meurent là-bas.  Il importe pour moi de partager avec les gens.  Tout part de l’universalité et de cette façon nous serons capables d’arriver à sauver le genre humain.

J’ajouterais toujours concernant mes tubes que je ne souhaite pas non plus être   chansonnière.  Ma musique est d’ailleurs trop rythmique pour cela.  Comme je l’ai mentionné, je me suis retenue dans le premier album mais ce ne sera pas le cas dans le deuxième CD.  Il y a des gens qui m’ont dit, nous ne voulons pas entendre parler de la misère.  D’autres pensent que Senaya fait état de la misère certes, mais elle parle également de l’espoir.  La responsabilité d’améliorer les choses revient à chacun de nous.  Il est faux de croire que parce que nous avons élu un président par exemple, la responsabilité ne nous incombe pas.  Chacun de nous peut donner avec son cœur à son niveau, à sa façon via le recyclage par exemple ou autre.  Je crois qu’il est important de faire des dons de façon authentique.  Lorsqu’on le fait de façon intéressée on peut devenir frustré si on n’a rien eu en retour par exemple.  Pour ma part, j’essaie d’être authentique à travers mon lyrisme.  Lorsque je suis sur scène, je ne joue pas un personnage.  D’ailleurs, je n’ai pas le temps pour cela.  Je vis mon art à travers la véracité.  Être engagée pour moi, c’est avant tout demeurer humaniste.  C’est être tout simplement.
 
P.T.  Montréal, la grande métropole vous a choisie comme la porte-parole officielle de la première édition du festival estival « Week-ends du monde » en 2006.  Qu’est-ce que cet honneur vous a fait éprouver?
 
S.  C’était superbe.  Lorsque l’on nous nomme porte-parole c’est parce que l’on croit que la personne en question pourra mener à bien cette mission.  Porter la parole signifie s’adresser aux médias, devant toutes les instances officielles concernant les week-ends du monde.  J’ai travaillé avec la mairie de Montréal.  Je sais qu’on a été satisfait.  Il s’agissait de quelque chose qui me tenait à cœur et j’estimais que cela me ressemblait.  J’étais honorée qu’on m’ait choisie pour la première édition de ce festival qui se poursuit encore.  Je n’accepte rien qui n’a pas une résonance dans mon cœur ou qui ne respecte pas mes valeurs.  Le festival Week-ends du monde représente les différentes cultures montréalaises, les artistes de tous les genres (notamment musicaux) et de toutes origines.  Il importait qu’ils soient représentés lors de ce festival.  Cela me ressemblait puisque je suis originaire de cultures différentes.  Je côtoie aussi des diverses cultures.
 
P.T.  Toujours en 2006, vous avez chanté en l’honneur des journées culturelles du Sénégal au Canada.  Quelle importance cet événement représentait à vos yeux?
 
S. Cela a été une grande fierté pour moi parce qu’il faut savoir que cela faisait dix ans que je n’étais pas retournée au Sénégal.  En ce qui me concerne, cela représente une reconnaissance car je sais que les Sénégalais sont des gens très fiers des leurs.  J’ai fait un tour au Sénégal à la fin de l’année 2006.  Même si je ne chante pas en wolof, ils savent que je suis une sénégalaise qui a notamment gagné au festival de Granby et qui a reçu une nomination aux Juno’s.  Pour eux c’était magnifique et évident que je devais faire partie des journées culturelles du Sénégal.  
 
À Montréal, la célébration a eu lieu dans le bel hôtel Delta.  Cette occasion a permis aux Sénégalais de découvrir davantage mon travail, ma musique.  Cela m’a vraiment touchée car je suis considérée comme l’une des leurs.   Je fais partie de ce pays, de cette culture sénégalaise et de la diaspora.   Lorsque l’on est reconnu par les siens (que ce soit les Sénégalais ou les Guadeloupéens) cela représente beaucoup.  Je suis heureuse de faire partie de ces peuples.  Je suis contente également d’être reconnue par les Québécois car je vis ici depuis environ dix ans.  Cela me touche aussi d’être appréciée des Français car ils font partie de ma culture.  Je détiens la nationalité française.
 
P.T.  Le 26 juin dernier, vous avez fait une prestation au Club Alizé de Montréal en hommage à l’insigne feu Aimé Césaire.  Comment avez-vous vécu cela?
 
S.  Au fait, je vais vous expliquer comment cela s’est passé.  J’ai été approchée par Moïse Mougnan, éditeur (éd.  Grenier) un mois avant l’événement.  Il m’a fait part de son projet visant à rendre hommage au grand homme Aimé Césaire.  Il estimait important que le Québec honore également cet insigne homme.  Césaire a influencé de nombreux poètes québécois.  Moïse voulait savoir ce que je pensais de cet événement et si je souhaitais y participer tout en faisant partie d’un comité.  En ce qui me concerne, j’ai trouvé cela génial.  Pour moi, Césaire était un homme très respectable, un révolutionnaire, un activiste à sa façon, un humaniste.  Césaire, Senghor font partie des hommes qui m’ont beaucoup inspirée.  Ces gens me permettent justement de garder encore la tête haute.  J’ai confié à Moïse que justement je souhaitais dans mon deuxième album rendre hommage à Césaire et à Senghor.  Il faut que je réfléchisse aussi à la langue que je compte utiliser pour les présenter.  J’ai souhaité rencontrer Aimé Césaire.  Il était trop tard pour Senghor.  Mais, c’est la vie.  Pour revenir à Moïse, je lui ai dit :  il semble qu’il n’y a pas de hasard.  Tout tombait à point.  J’ai donc fait partie avec 8 personnes du comité Aimé Césaire (qui vise éventuellement à distribuer des bouquins du feu écrivain aux écoles et aux CGEP ).  Chaque année, le 26 juin on célébrera la journée Aimé Césaire au Québec.  Le 26 juin 2008, on a donc décidé de lui rendre hommage à travers diverses capsules.  Pour la première fois, le Premier ministre du Québec a été sollicité par un citoyen, c’est-à-dire Moïse afin de témoigner d’Aimé Césaire.  Cela ne s’est jamais produit auparavant.    On a diffusé cela en direct le 26 juin.  C’était vraiment spécial et génial. 
 
Présentement, nous travaillons sur un DVD où l’on retrouvera des témoignages de diverses personnalités dans le domaine sportif, politique et artistique.  Des citoyens ont également donné leur avis.  Chacun a amené sa contribution concernant leurs opinions sur les grands thèmes d’Aimé Césaire :  la négritude, etc.  On trouvera aussi dans le DVD la musique que j’ai créée et on entendra aussi les musiciens.  J’ai dû réfléchir pour voir  sous quel angle j’allais composer la musique.  Je voulais aussi faire référence à Senghor.  Moïse m’a éclairée en me rappelant que Senghor a écrit un poème sur Césaire et ce dernier a fait de même concernant Senghor.  Moïse m’a envoyé les poèmes.  Je me suis dit au lieu que j’écrive pourquoi ne pas laisser parler Césaire et Senghor.  Dans cette perspective, j’ai pris le poème de Senghor intitulé « A Aimé Césaire :  lettre à un poète »  que j’ai transformé en chanson.  Au début, ce n’était pas évident.  Faire groover du Senghor, c’est tout un exercice  (Rires).  J’ai dû me rendre à la Basilique Notre-Dame de Montréal pour composer et être inspirée.  C’était important pour moi de faire quelque chose de bien qui rappelle Césaire tout en respectant mon approche et ma direction artistique.  Je tenais aussi à ce que les jeunes apprécient la chanson car c’est de cette façon que le poète continuera à vivre.  Les jeunes écoutent à travers la danse alors il importait pour moi qu’ils puissent groover en entendant les paroles concernant Césaire.  Mon orientation artistique représentait cela.  Je souhaitais aussi ajouter une saveur créole.  J’ai donc mélangé les percussions, du Zouk, de la Soul, du R&B et de la guitare.  Pour terminer, j’ai ajouté un refrain qui a été ma contribution au niveau de l’écrit.  Le tube « A Aimé Césaire :  lettre à un poète » fera partie de mon prochain disque.
 
P.T.  Justement, je voulais vous demander si vous avez des nouveaux projets que vous pouvez partager avec nous.
 
S. Mon nouveau projet concerne mon deuxième album qui sortira idéalement au plus tard en 2009.  Je souhaite étendre mes ailes :   voir la France, l’Europe, l’Afrique et les Antilles.  J’ai pu vendre avec le premier CD simple 17 000 copies en France sans promotion.  Je me suis dit que ce serait bien de rappeler aux gens qui je suis avec mon nouvel album.  Ce sera une façon de resituer les gens qui m’ont connue notamment avec « Garde la tête haute » et « Soul Créole ».  Mes chansons ont circulé à plusieurs endroits en Afrique et dans les Antilles mais on ne m’a jamais vue véritablement.  Inshala, que ton article soit le début de tout cela ! (Rires).  Au fait, il s’agira de poursuivre la promotion outre-mer qui avait été amorcée avec le premier album.  La différence maintenant est que je suis productrice avec ma sœur, ma gérante.  Je suis entourée d’une petite équipe qui me soutient.  Ceci me permettra de me consacrer ultérieurement uniquement à l’aspect artistique.
 
P.T.  Je vois que l’autonomie est très importante pour vous.  Est-ce que vous vous considérez comme une femme d’affaires?
 
S .  Je suis une femme d’affaires certes mais aussi une productrice et une artiste.  De plus en plus, j’estime que l’artiste doit être conscientisé aux aspects de production, du business.  Il est de moins en moins vrai qu’un chanteur doit se limiter au côté artistique. Au fait, quelqu’un de vraiment intelligent ne peut pas tout faire à moins d’être fou.  Il faut donc nuancer.  On peut être artiste tout en ayant à l’œil le côté du business et de la production.  Il importe d’être entouré des bonnes personnes et de savoir déléguer selon les compétences.  Je me considère donc comme une entrepreneuse dans le domaine artistique.  L’art représente un travail.  Des fois, on perçoit ce champ comme quelque chose de superficiel mais il s’agit d’un travail quotidien.  J’utilise quotidiennement mes instruments pour me perfectionner.
 
P.T.  Le domaine artistique est loin d’être superficiel.  C’est essentiel car cela nous donne du plaisir dans la vie.
 
S.  En effet.
 
P.T.  Pour terminer, avons-nous le droit Senaya de connaître votre vrai nom?
 
S. (Rires)  Mon vrai nom?  C’est Senaya tout simplement (rires).
 
P.T.  Merci Senaya pour partager avec nous votre très riche parcours!

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Extrait du tube « Garde la tête haute », message d’espoir et d’inspiration :
 
C’est une folie, une drôle de vie, je te l’accorde,
Elle n’est pas facile à entendre
C’est une passion, une déraison
Pour laquelle tu t’accroches avec raison
Tu en as connu, des échecs
Essuyé bien des refus
Balayé trop de menteurs
Maîtrisé tant de folies
Aujourd’hui, tu te mets en doute,
Tu restes coincé dans ta bulle
Mais, surtout, n’oublie pas!
Garde la tête haute, quel que soit ton chemin…
Garde la tête haute, quel que soit ton lendemain…

Senaya (2005)
 
 
www.myspace.com/senaya
 
 
 
 
CD de Senaya « Garde la tête haute »
disponible sur Amazon.ca et .fr
 
Pour voir la vidéo "Garde la tête haute", cliquez ci-dessous: