Qui es-tu?

Les questions telles que «D’où viens-tu?» ou «Quel est ton mélange? » semblent très banales, tant sur le plan littéraire que discursif. Pourtant, les travaux de Jilian Paragg (2017), fortement inspirés de ceux de Jin Haritaworn (2012), affirment que ces questions sont des moments clés de production raciale pour les deux personnes qui interagissent. D’un côté, la personne qui interroge, peu importe sa position sociale, oppose d’emblée les personnes racialisées blanches comme des catégories distinctes. L’image la plus répandue est le «Nous» versus les «Autres», les «Autres» étant les personnes de couleur.

Rendez-moi ma fille est l’histoire très touchante et captivante d’une jeune femme franco-juive qui n’a jamais réussi à récupérer sa fille car elle est décédée après avoir écrit son ouvrage dans des conditions à la fois suspicieuses et tragiques.  L’auteure est tombée amoureuse d’un prince saoudien (provenant de la famille royale) qui a prétendu être juif comme sa partenaire.  Cette dernière a été naïve ce qu’elle a reconnu.  Par contre, elle a eu le malheur de succomber aux charmes d’un homme pervers, misogyne, sadique et manipulateur.  Il a même réussi à duper sa "belle-famille".  

L’auteure est une jeune franco-pakistanaise arrivée en France à huit mois.  Elle a donc grandi en France et intégré les valeurs de la République.  Plusieurs thèmes sont traités dans l’ouvrage:  le mariage forcé,  la misogynie, les difficultés vécues par les immigrants, les problèmes scolaires, la violence conjugale et familiale, la discrimination, l’exploitation, l’abus parental et familial, le patriarcat, les stratégies et mécanismes utilisés pour imposer des normes culturelles ne convenant pas du tout à la première génération d’enfants des immigrants vivant au pays d’accueil provoquant des tiraillements chez eux, le colorisme (discrimination intra-communautaire où souvent la couleur de peau structure les rapports sociaux et économiques), le contrôle familial, le tribalisme, l’endogamie,  les rapports de pouvoir entre les genres et entre les parents-enfants,  etc.  Riaz a dû assumer des responsabilités d’adulte qui ne lui revenaient pas dès l’âge d’au moins dix ans ce qui a eu des conséquences sérieuses comme le retard scolaire.

Il s’agit d’un excellent ouvrage qui devrait être inclus au programme scolaire de toutes les écoles du monde afin d’éduquer et de conscientiser les futures générations.  L’ouvrage a été écrit par le journaliste Emmanuel Vaillant.  On y apprend des statistiques donnant froid dans le dos comme l’existence de plus de 200 millions d’esclaves modernes dans le monde au 21ième siècle.

Le titre très évocateur nous rappelle que les grandes douleurs et souffrances ne sont pas forcément visibles.  Ce livre s’adresse à ceux qui ont de l’empathie pour les enfants, à ceux  s'intéressant à leurs droits, à leurs protections et à leurs défenses.  Cet ouvrage représente l'un des meilleurs témoignages d'une enfant-adulte victime d'inceste et de misogynie qui a su se battre et obtenir justice pour elle et les autres femmes dont le père a porté atteinte à leur intégrité physique et mentale lorsqu’elles étaient mineures.  La démarche judiciaire entamée par l’auteure lui a permis d’être entendue, de se reconstruire et d’être reconnue dans sa souffrance.  Le livre devrait être traduit en plusieurs langues.